Céline, la RCH et ses conséquences
Un témoignage de Céline : « pour ceux que ça intéresse, et pour mieux comprendre la RectoColite Hémorragique à travers mon vécu. ».
"C'est ma manière d'exorciser ces passages de ma vie douloureux, aussi bien pour mon corps, que pour mon esprit. Et de mettre un point final à cette épreuve que la vie m'a donné, ainsi qu'à mes proches.
Même si tout n'est pas encore réglé, Il est temps d'aller de l'avant !
Qu'est ce que la Recto-Colite Hémorragique ? Et quelles sont ses conséquences ?
Attention, je ne suis pas médecin (même si ça m'aurait plu !). Je ne donnerai pas de définition scientifique de la maladie, car j'en suis bien incapable. Je tenterai de donner des éléments de définition qui me semblent essentiels, et que j'ai assimilés tant bien que mal, avec les explications des médecins, et de part mon histoire vécue.
Commençons par le commencement...
qu'est ce donc que cette maladie au nom barbare, peu connue ???
Une recto-colite ulcéro-hémorragique : RCH (Maladie Inflammatoire Chronique de l'Intestin - MICI)
Littéralement inflammation du colon et du rectum formant des ulcères sanglants... Il s'agit donc, comme son nom l'indique d'une maladie de l'intestin touchant le colon (gros intestin) et le rectum (dernière partie du tube digestif avant l'anus, servant de réservoir pour les selles).
Depuis que j'ai appris que j'étais malade, j'ai dû me replonger dans mes cours d'anatomie : la composition du tube digestif et son utilité. Dans l'ordre, les organes sont la bouche, l'oesophage, l'estomac, l'intestin grêle, (composé du duodénum, du jujénum et de l'iléon), le colon, (composé du colon droit ou ascendant, du colon transverse, du colon gauche ou descendant, et du colon sigmoïde), le rectum et l'anus.
Si la quasi totalité de la digestion se passe entre l'estomac et l'intestin grêle, le côlon a cela d'utile qu'il permet d'absorber l'eau et les sels minéraux (vitamines?) qui se trouvent dans les aliments. Un côlon endommagé implique donc une mauvaise réabsorption de ces éléments, et donc des selles liquides, communément appelées diarrhées !
Dans le cas de la RCH, les dernières parties du système digestif sont donc touchées. Si l'on devait la qualifier, on dirait que la RCH est une maladie chronique, auto-immune, de causes inconnues et aux traitements aléatoires.
Le diagnostic se pose par des examens d'investigations : coloscopie, recto-sigmoïdoscopie, avec ou sans anesthésie, avec ou sans douleurs...
La RCH est une maladie chronique. Cela veut dire qu'une fois qu'on a découvert que l'on en est atteint, il faut s'attendre à en souffrir toute sa vie. Non, pas en continu, mais par épisodes, plus ou moins durables et inconfortables. La durée des épisodes est variable selon la gravité de la maladie.
Pour ce qui me concerne, depuis que la maladie s'est déclarée en Avril 2006, les moments de rémission n'ont quasi pas existé. Les premiers symptômes étaient apparus en Avril 2005, mais lors de l'examen endoscopique en mai 2005, la crise était passée, du coup aucun diagnostic n'avait pu être établi.
Il est nécessaire néanmoins de savoir qu'entre deux crises peuvent s'écouler plusieurs années. Parfois quelques petites gênes, des petites diarrhées, des petites douleurs... mais rien de comparable avec la Maladie en poussée. Et c'est cette incertitude quant à l'avenir qui rend délicate la prise de décision radicale, car il se peut très bien qu'après une poussée, aussi grave soit elle, on n'entende plus parler de la maladie pendant des années, voire toute sa vie...
Il s'agit d'une maladie auto-immune. C'est un terme qui est difficile à expliquer. Cela veut dire que notre propre système immunitaire se retourne contre les organes pourtant sains et vitaux du corps, et les attaque, comme s'ils étaient des corps étrangers à éliminer. Dans le cadre de la RCH, le système immunitaire prend le colon et le rectum pour des corps étrangers et dangereux et les dégrade, progressivement.
Les causes de la maladie sont très floues. Les médecins sont juste d'accord pour dire qu'il existe plusieurs facteurs déclencheurs, parmi lesquels des causes génétiques, et environnementales (stress, géographie)... En réalité, la maladie, ses tenants et ses aboutissants sont bien mal connus... les recherches sont en cours. Mais dans mon cas, le stress a certainement contribué à accélérer cette maladie ; mon milieu professionnel (pour ne pas citer 2 personnes en particulier) de l'époque m'a détruit. Et encore aujourd'hui, j'ai un gros travail à faire là-dessus.
Les symptômes de la maladie : des douleurs abdominales marquées, importantes, des spasmes violents qui clouent sur place, comparées à des douleurs d'accouchement fois 10. Des besoins urgents et impérieux d'aller à la selle, plusieurs fois par jour, la nuit incluse - dans mon cas, jusqu'à 15 fois par 24 h -, pour émettre parfois des matières, mais surtout des glaires et du sang, en quantité variable. Une fatigue générale marquée.
Le plus gênant, quand elle est là, outre la douleur, c'est l'impériosité des besoins, l'incapacité de se retenir, pas même cinq minutes. Je me souviens faire mes courses et devoir tout lâcher pour rentrer chez moi ; ou bien une belle journée de juillet, ma jolie robe blanche, je partais à la mer, et que au bout de 10 min j'ai dû faire demi-tour car j'avais pas pu me retenir. Moi qui étais capable, avant, de ne pas aller aux toilettes pendant 4 jours...
Quelles sont les réponses médicales que l'on peut apporter à cette maladie ?
Je ne donnerai pas de liste exhaustive, mais des traitements par lesquels je suis passée. D'abord, pendant 4 mois, après ma toute première poussée, j'ai été traitée à l'aide d'un médicament simple (anti-inflammatoire) à prendre, par voie orale, du Pentasa® 2 à 3 fois par jour et par voie locale, des suppositoires le soir Rowasa®. Début des réjouissances ? L'efficacité ne s'est pas avérée positive, la crise s'est aggravée.
Alors, on ajouta des corticoïdes, par voie générale, avec tous les désagréments que cela induit : régime sans sel, (et sans fibre, à cause de la RCH elle-même) gonflement, fatigue, myalgies, douleurs articulaires, fringales... Et le pire, c'était que je ne voyais pas que j'étais malade... Total Déni ?
En décembre 2006, Un arrêt de l'alimentation et de fortes doses de cortisone par intraveineuse à la clinique Jules Verne m'ont permis d'espérer une petite efficacité. De courte durée : 4 semaines. Le plus souvent le traitement aux corticoïdes est efficace.
Puis traitement aux immunosuppresseurs. Ce sont des molécules qui ont pour objet de rendre le système immunitaire moins agressif. Mais s'il est moins agressif avec le corps qu'il est censé défendre, il l'est aussi avec les corps étrangers. Les effets secondaires sont nombreux, et importants. On est complètement fragilisé, on attrape tous les maux de l'hiver, même en été... dès qu'une saleté passe, c'est pour nous... et les cheveux qui tombent, et la fatigue, et les espoirs déçus....pour mon gastro-entérologue Dr Denis Cloarec mais surtout pour moi. J'ai essayé trois traitements différents (Rémicade® et Imurel®, puis Méthotrexate®) qui nécessitaient parfois des journées au CHU (suivi par le Dr Boureille). Avec en parallèle, des lavements chaque soir de Pentasa® + cortisone.
Tout cela resta vain, et pourtant la majorité des malades répondent à ces traitements.
Et puis en Octobre 2007, mon corps me lâche. Une crise particulièrement plus grave que les autres m'a conduite à la chirurgie, en Novembre dernier, et en urgence. Une colo-proctectomie totale. Question de survie, car en plus de mon intestin qui était devenu toxique, mon foie se mettait à thromboser. Il faut savoir que seulement 5% des malades atteints de RCH en arrive à la chirurgie.
D'un œil extérieur, personne ne peut s'apercevoir qu'une personne souffre de cette pathologie, et pourtant. Il est très difficile d'en parler car ça touche à l'intimité, et que souvent j'ai eu honte d'être ce que j'étais, avec ses symptômes qui me souillaient.
La vie sociale en prend un coup.
Avant l'opération j'avais arrêté l'imurel® qui ne faisait rien pour essayer le méthotréxate® en octobre 2007. Et c'est là que tout est parti en vrille (pour rester polie) !!!
Thrombose du foie (syndrome de Budd-Chiari) proche de la cirrhose, prélèvement de moelle osseuse au sternum pour comprendre ce qui ce passait, Atroce ! Heureusement réaction vive et efficace du gastro ; côlon complètement inflammé, toxique, nécrosé (pancolite aiguë). Je vomissais et faisais des rectorragies horribles, je ne pouvais plus tenir sur mes jambes tellement j'étais faible, et du coup plus capable de comprendre ce qui m'arrivait. Seules des injections régulières de morphine me soulageaient.
Bref, après 5 jours très douloureux (sur une échelle de 10, j'étais à 10, n'en pouvant vraiment plus), le 21 novembre, on m'a opéré en urgence, sonde gastrique mise de force, et on me demandait où je voulais voir mon intestin sortir sur mon ventre. C'était la 4ème dimension. J'ai rien compris... Je voulais maman près de moi, heureusement ils lui ont laissé le temps d'arriver pour qu'elle m'accompagne au bloc. Je ne savais pas si je me réveillerai après, je me rendais compte malgré tout de l'affolement des médecins, j'avais besoin de témoigner mon amour à ma famille.
Mon réveil a été très douloureux moralement comme physiquement. Double stomies (anus artificiel : intestin cousu sur le ventre) :
- Une stomie au niveau du pubis : rectum malade laissé dans l'espoir d'une guérison,
- et une autre stomie à la droite de mon nombril : iléon, partie saine qui émet des selles en continu + une cicatrice de 25cm.
Difficile à affronter, mais on y arrive. Trois heures d'intervention chirurgicale. Plus des complications (hémorragie) dues au rectum très malade et la prise d'anticoagulant pour sauver mon foie favorisant les saignements, transfusions et compagnie ! Galère. 4 semaines d'Hosto alitée.
Je me suis souvent demandée ce que j'avais bien pu faire pour mériter ça. J'ai perdu une dizaine de kilo, que j'ai du mal à reprendre mais bon il faut sûrement du temps, tout doucement. Convalescence, heureusement bien entourée de ma famille ; les soins quotidiens sont difficiles à affronter seule les premiers temps ; Merci maman !
Je dois arriver en forme pour la prochaine intervention. Je n'ai pas peur, évidemment je me pose beaucoup de questions, mais j'ai une totale confiance en mon chirurgien. Et pour plaisanter un peu qui sait, peut-être rencontrerai-je un charmant médecin ou infirmier à qui je plairais !!!
La suite c'était donc le 4 mars 2008, ablation du rectum (qui ne faisait que saigner encore) et anastomose iléo-anale avec stomie de protection (création d'un réservoir en J avec la partie terminale de l'intestin grêle, l'iléon, qui permettra de compenser l'absence de rectum dont le rôle est le stockage des selles avant l'émission, et le tout suturé à l'anus).
La stomie de protection (provisoire) a pour but de faciliter la cicatrisation entre le réservoir (l'iléon) et l'anus. Ainsi au niveau de l'orifice déjà existant sur mon ventre, 60 cm au dessus du réservoir, une stomie à 2 sorties est créée. Du côté réservoir, rien ne circule (juste du mucus sécrété naturellement), et l'autre sortie étant la fin du circuit digestif.
Fatiguant (5h au bloc) et douloureux, des tuyaux de partout, sondes gastrique, urinaire et anale, et drain. Re-complications (hémorragie interne nécessitant une nouvelle opération en urgence (1h30 de bloc)), transfusions à nouveau. Mon ventre est dur tellement il a été ouvert. Mon foie est quasi guérit, Ouf !!! 3 semaines d'Hosto.
En rentrant à la maison, je fais des malaises que se passe-t-il ? Mon cœur bat très vite, je me sens très faible, mon transit n'a pas repris normalement, je ne pèse plus que 46 kg, c'est très difficile de se voir changer à ce point physiquement. Une prise de sang montre que j'ai un fort déficit en potassium, en fait je suis complètement déshydratée. Vite, je dois retourner au CHU pour être réhydratée car mon cœur peut lâcher d'un moment à l'autre. Après 4 jours de perfusion et des médicaments (ralentisseur de transit) me voila sortie d'affaire. Ce qui m'inquiète, ce sont ces pertes d'eau et de mucus que j'ai la nuit et qui m'oblige le port de couches. Mon Dieu, jamais un homme m'acceptera ! J'ai la trouille à ce moment là, je ne veux pas être incontinente à 26 ans. J'essaie de m'accrocher, et récupérer pour être en forme afin d'affronter la dernière ligne droite. Et me voilà, à présent, rebranchée, remise en continuité comme les médecins disent, depuis le 19 mai 2008 !!!! J'appréhendais tellement, et pourtant je ne pouvais plus supporter ma poche sur le ventre surtout avec l'arrivé des beaux jours. Ca a été en effet assez douloureux les 72 premières heures, car les brûlures anales sont atroces ! Mais avec un peu de morphine et de la Biafine-Questran aux fesses, j'ai été un peu soulagée. J'ai rapidement bien maîtrisé mon réservoir.
Ma fréquence d'aller aux toilettes est de 7 à 8 selles par jour, je suis contente, je m'attendais à pire ! Le transit est correct, j'ai l'aide de ralentisseur de transit. Ce qui est dur, ce sont les fuites nocturnes; apparemment ça devrait passer dans les semaines à venir. 9 jours d'Hosto. Mais quel soulagement de ne plus avoir de poche. Je peux enfin remettre mes pantalons taille basse et des petits hauts près du corps. Malgré tout, Je suis plutôt positive, il le faut ; Même si ces 6 derniers mois ont été très éprouvants pour moi et ma famille (à plusieurs reprises j'ai eu peur d'y rester).
Heureusement j'ai eu beaucoup de témoignages d'encouragement de la part d'amis et collègues. Ce qui fait chaud au cœur.
Le trou sur mon ventre, où était la stomie, s'est refermé récemment (au bout de 4 semaines) ; ça fait une cicatrice rose grosse comme le haut de l'index (aspect côté paume). Et maintenant, j'attend que ces fuites nocturnes cessent très rapidement, car je ne peux pas envisager ma vie ainsi, en plus ça crée des fissures anales très douloureuses ; alors STOP !
Ce que je voudrais dire, c'est que OUI la chirurgie est lourde, que ce sont 6 mois (voir un peu plus) de galère, de cauchemars, mais que la finalité est plutôt positive. Les souffrances liées à la maladie s'envolent, après 2 ans de combat. Je suis quasi guérie, Je renais ! Il me faut juste être très patiente. Je reprends des forces jour après jour, et apprend à dompter ce nouveau corps qui est le mien afin de vivre mon quotidien dans les meilleures conditions possibles.
L'avenir ne sera que meilleur, dans l'espoir de pouvoir créer un jour une famille !
Je tiens à remercier l'équipe médicale du CHU de Nantes, et plus particulièrement mon Chirurgien, Dr Guillaume Meurette, qui a été génial, grande disponibilité et écoute très précieuse.
Aussi, un grand Merci à ma famille, à tous ceux qui m'ont entouré, mais plus particulièrement à mes parents qui ont tout donné pour moi et qui m'ont soutenu comme jamais !
"